La Boutargue ou la Poutargue
Mais qu’est-ce donc ?
Pour éviter tout malentendu, du genre « Pourquoi elle écrit Boutargue alors que c’est Poutargue ??? » Eh bien, que les choses soient claires : les deux se disent car le « p » n’existe pas dans la langue arabe !
Le mulet ou muge est un poisson répandu dans les mers du globe.
Mais toutes les espèces sont-elles utilisables pour la boutargue ?
Hélas non ! Malgré le grand nombre de variétés, seules 4 d’entre elles peuvent être dédiées à sa fabrication ce qui en fait un met d’exception.
En fait, elle a plus de 4000 ans et existe aussi bien de notre côté de la planète qu’en Asie. L’étymologie du mot « boutargue » en arabe vient de « butarkha » qui signifie « salaison » ou « conserve en saumur ».
Aujourd’hui j’ai envie de vous entraîner dans l’aventure de ma très belle rencontre avec un producteur de boutargue, artisan passionné comme je les aime : Gérard Memmi.
Il faut que je vous dise que mon cerveau et mes papilles me répétaient quand je pensais boutargue : « super salé, très très iodé… beurk ! »
Alors… Comment en suis-je arrivée à vous en parler ??
Lorsque j’ai déménagé Gastronomaniak à La Destrousse, il a fallu quelques semaines pour tout réinstaller. Un jour, j’ai un appel d’un commercial d’une maison marseillaise qui me propose la vente de son produit. Après lui avoir expliqué mon état d’esprit face à ces œufs de mulet séchés, je me dis : « Allez ! je ne vais pas mourir idiote ! Je veux bien goûter à nouveau n’en n’ayant pas mangé depuis longtemps… »
Je n’ose pas le faire venir jusqu’à moi, la boutique étant vide, je lui propose donc un rdv à Aubagne (où il avait déjà un rdv). Mais où ????
Qui dit travaux, dit…. Leroy Merlin (ndlr je n’ai aucune accointance avec eux !). Et nous voilà attablés dans le coin restauration, la boutargue sur la table, un couteau à la main (rires). Eh bien oui… Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !!! Une texture qui fond en bouche, une saveur, certes salée et iodée mais tellement équilibrée… Mon palais est complètement conquis et je lui dois une fière chandelle pour m’avoir réconciliée avec ces petits œufs.
L’aventure commence.
La Maison Memmi et sa Boutargue
En janvier dernier, au hasard des allées d’un salon professionnel, j’aperçois un stand exposant de la ventrèche de thon et de la boutargue.
Très amatrice de ces produits s’ils sont qualitatifs, bien sûr (rires), je m’arrête.
L’accueil d’un commercial est très chaleureux et je commence à raconter mon histoire lorsqu’un Monsieur nous invite ma « clipine » Sylviane et moi (cliente devenue copine puis amie !) à nous asseoir. Il me demande si je connais la boutargue et je raconte à nouveau comment je suis devenue amatrice ! Sa première question est : « Savez vous pourquoi on dit Poutargue et Boutargue ? » Je risque timidement : « Je crois que la raison vient du fait qu’en arabe le « p » n’existe pas… ». Surpris, il m’assène un « vous savez-ça vous ??!!!! » Un rire remplace le « ben oui !!! » Et là, je prends une rafale d’informations plus passionnantes les unes que les autres sur l’origine de cette pépite marine, les variétés de mulets utilisées et il m’explique qu’il est la 5ème génération de producteurs. Je suis en mode « subjuguée » par la connaissance et la maitrise de fabrication de ce passionné et amoureux de son produit.
Nous faisons une pause dans notre échange pour passer à quelque chose que j’aime par-dessus tout : LA dégustation !!
Je suis une « ventrèche de thon addict » !
Mais qu’est-ce donc que la ventrèche de thon ??? La ventrèche est la partie ventrale, la plus grasse du poisson, grasse oui mais graisse noble et riche en oméga 3. C’est la partie la plus goûteuse et la plus recherchée… et malheureusement la plus chère (rires) surtout quand on déguste du thon rouge.
Une boîte de conserve ouverte est posée sur la table.
Ventrèche de thon rouge
Je regarde la provenance car elle détermine la qualité et il est toujours important de savoir comment la ventrèche est travaillée. Celle-ci vient de Sicile, réputée pour son artisanat culinaire.
Une texture, une couleur bref un visuel qui fait envie. Je dois vous dire que j’en ai goûté au moins une dizaine qui n’ont jamais détrôné celle d’origine espagnole que je proposais à la vente. Je parle volontairement au passé…. Je regarde Sylviane et je vois sur son visage une expression qui illustre ce que je ressens sans trouver les mots adéquats pour décrire ce que j’ai en bouche… Un fondant, un moelleux et un goût EXCEPTIONNEL et je pèse mes mots. Une découverte inouïe d’un produit et d’un travail de cuisson et de conserve qui frôlent la perfection, pourquoi juste frôler ? Tout simplement car comme le disait Alfred de Musset « la perfection n’existe pas… ». Objectivement, pour moi c’est la perfection ultime car je ne vois pas comment sublimer le poisson mieux que cela…
Après cette claque gustative, je m’intéresse à la boutargue dont le parfum m’intrigue… Rien que l’intitulé excite mes papilles : boutargue à la truffe !!! Ma curiosité est piquée au vif ! A la truffe ???!!!!
Mes canines sont aiguisées et mes papilles en éveil ! Je dépose une lamelle de boutargue nature sur ma langue…. (Silence) Je ferme les yeux pour me concentrer sur les saveurs…. L’équilibre entre les œufs et le sel est parfait, la texture est moelleuse et la saveur envahit mon palais, bref un grand moment de gastronomie. Nous passons à la lamelle avec la truffe…. Encore une claque ! L’accord Terre/Mer est parfait, le goût est sublime et les accords viennent tout naturellement avec une folle envie d’une brouillade, de pâtes, d’un toast avec quelques tranches fines et un filet d’une huile d’olive digne d’accompagner un tel produit (pour ma part j’ai opté pour la Chemlali du Domaine de Segermès, bio, récolte à la main, 1ère pression à froid : magnifique produit que déjà de nombreux chefs ont adoptée et qui fera l’objet d’un article prochainement).
Assiette réalisée par Gastronomaniak
Depuis mon arrivée sur le stand, mon regard est attiré par un magnifique livre sur la boutargue et je réalise que c’est son auteur, Gérard Memmi, qui m’accorde de son temps pour m’entrainer dans son univers. Quel bonheur ! C’est pour des moments comme ceux-là que j’adore mon métier…
L’expérience gastronomique me comble mais je ne suis pas au bout de mes surprises : Gérard Memmi me dit : « Mon livre, vous n’allez pas l’acheter » … Je le regarde et avant de pouvoir lui demander pourquoi, il ajoute « je vous l’offre ! ».
J’ai voulu cet article ludique et convivial basé sur l’humain avant tout.
Lorsque j’ai échangé avec Gérard Memmi sur les anecdotes et souvenirs qui lui restent en mémoire, il est intarissable ! Eh oui ! lorsqu’on a une passion et que l’on peut la partager c’est toujours un bonheur…
Il me parle de sa première rencontre sur un salon avec Eric Briffard, Chef 2** et MOF, qui, « surpris par l’existence d’un Monsieur Memmi (rires), le complimente avec toute sa simplicité et sa gentillesse sur ce produit qu’il travaille depuis le début de sa carrière et dont il est très amateur ».
Il évoque, à la suite de cette rencontre, leur collaboration qui a généré des conférences dans des écoles comme Le Cordon Bleu dont Eric Briffard est le Chef Exécutif (ndlr Je l’ai évoqué dans l’article sur la Maison Bayard, producteur de pommes de terre en Santerre) et Ferrandi, vous l’avez compris, il est très attaché au partage de la connaissance.
Eric Briffard – Cordon Bleu Ecole Ferrandi
Il m’explique comment c’est organisé, sur un salon, la rencontre avec Anne-Sophie Pic. On lui annonce sa venue avant l’ouverture pour un rdv confidentiel, loin de la foule. Gérard passe la nuit à préparer ce rdv et le stress monte ! Il me parle d’elle comme étant une « femme extraordinaire, femme de produit (sic) qui m’a posé les bonnes questions, c’était impressionnant de parler avec elle parce que c’est un personnage et lorsque des personnes comme elle t’accordent de leur temps c’est une reconnaissance de la profession. Ce sont des moments marquants dans ma carrière » (je sens l’émotion dans sa voix).
Avec la Cheffe Anne-Sophie Pic
Je suis touchée par la façon dont il me parle de sa rencontre avec le comédien et acteur Yvan Attal qui s’est vu envahir d’émotions liées à son enfance et sa famille lorsque la boutargue faisait partie des moments de fêtes.
Avec Yvan Attal
Alors… Comment tout savoir sur ce met d’exception : son origine, où peut-on la trouver car, contrairement aux idées reçues, Martigues et Marseille ne sont pas les lieux exclusifs de la production et de la vente…
Vous-ai je mis l’eau à la bouche ??? Vous êtes curieux(euse) d’en savoir plus ?
Gérard a publié un sublime livre dédié à cette merveille qui la vaut bien ! « Boutargue – Histoires . Traditions . Recettes ». De l’histoire de ce poisson qu’est le mulet ou muge (dans le sud) à la boutargue, tradition juive autour des fêtes… De l’émouvante histoire de Gérard et de sa famille aux superbes recettes créées par des chefs pour ce livre…. Vous saurez tout, vous serez incollables et vous la servirez avec d’autant plus de plaisir !
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